
18 Mai, Journée Internationale des Musées
Art et science, les deux âmes du progrès.

Depuis tout-petits, on nous apprend que l’art est quelque chose d’abstrait, subjectif, strictement lié aux goûts esthétiques, à une idée de beauté qui change avec le temps et avec les modes. On nous apprend également que la science, au contraire, relève du concret, de l’expérience directe, de l’observation, du besoin de résoudre un problème se servant de données irréfutables. Pourtant, les deux sont bien une forme d’étude de la réalité, d’expression d’une ou de plusieurs de ses multiples facettes.
Toutefois, à peine adolescents, il faut qu’on se pose la question fatidique: je penche plus du côté de l’art ou de celui de la science? Une série de choix concaténés se succèdent alors: quel genre d’école fréquenter après le collège, et puis à quelle fac s’inscrire après le bac (s’il y en a bien une), et avant même, quelle passion cultiver dans le temps libre. Le fait est qu’une certaine dose de préjugés sociaux sur le monde des arts fait que la plupart des jeunes se tournent finalement vers celui qui paraît le choix plus censé: la science. Autrement, la seule perspective serait un avenir professionnel toujours incertain, voire inexistant.
Cette dichotomie entre deux vocations apparemment inconciliables n’existe, en vrai, que depuis l'âge moderne, puisque, pendant plus de trois-mille ans, art et science ont bénéficié de la même fortune, et talent artistique et scientifique ont cohabité dans les esprits éclairés des plus grands innovateurs de l’histoire. Tout le monde ne sait peut être pas que le mot grec τέχνη, à l’origine du mot français technique, signifiait justement art. Parce que l’art, au sens plus large du terme, est compétence technique, est tout simplement la capacité de bien faire quelque chose, que ce soit un monument, une machine ou une médecine.
L’histoire et même la pré-histoire le montrent clairement: la réalisation des Pyramides a été le résultat de la combinaison de compétences architecturales, mathématiques et astronomiques, et la Renaissance est sans doute l’emblème absolu de la transversalité de l’esprit humain — il suffit de penser à Léonard de Vinci, mathématicien, philosophe, artiste à 360 degrés, ingénieur, anatomiste, botaniste et bien plus encore … !
Ce n’est point étonnant, si on réfléchit au fait que l’art et la science sont tous les deux des moyens d’interprétation et communication de la réalité, un portrait fidèle de l’esprit d’une civilisation, d’une époque. Vue sous cet angle, l’affiche de la Journée Internationale des Musées du 18 mai 2021 prend tout son sens: un visage, masqué par une visière montrant deux mains qui se serrent autour d’une plante, suivi par la devise “L’avenir des Musées: se rétablir et se réinventer”.


L’esprit de notre civilisation a été profondément bouleversé par la pandémie, et les valeurs de la société sont en train de subir des transformations radicales. La fermeture prolongée de cinémas, théâtres et musées n’a pas seulement endommagé l’économie du pays, mais aussi sa croissance culturelle, révélant, de plus, quelle est la place accordée à l’art dans l’agenda politique. Mais il ne faut pas désespérer! Encore une fois, l'étymologie grecque nous suggère une clé de lecture intéressante: le mot crise (κρίσις) se traduisant originairement par choix, se rétablir et se réinventer signifie tout d’abord choisir par quoi repartir pour construire l’avenir.
Pour revenir à l’affiche de la Journée Internationale des Musées, la visière nous indique la direction de ce chemin de reconstruction: la sauvegarde de l’environnement et la poursuite de l’équité. Dans ce but, depuis 2018, l’ICOM (International Council of Museums) propose tous les ans quatre des dix-sept Objectifs de Développement Durable fixés par l’ONU (à ce propos, on vous renvoie à l’article de notre blog sur la Journée Internationale du Bonheur).
L’idée est de rappeler que les musées sont, pour citer l’ICOM, “une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement”, et que, par conséquent, ils peuvent et doivent participer du changement social. En organisant et promouvant des événements culturels plus ciblés et spécifiques, ils peuvent aider à comprendre la réalité, ses nécessités et ses urgences. L’éducation de qualité est parmi les quatre objectifs sélectionnés pour l’anné 2021: les écoles et les familles y jouent certainement un rôle crucial, mais les musées peuvent aussi éduquer, car offrir un point de vue plus conscient, renseigné et critique sur le monde est une façon très efficace de répandre la liberté et l’égalité entre les citoyens.
Se rétablir et se réinventer signifie, enfin, convertir la crise en élan, pour aller à la rencontre d’une nouvelle Renaissance, où l’intuition et le génie, peu importe la façon dont ils sont exprimés, remplissent ensemble une seule, fondamentale mission: le progrès.
Se rétablir et se réinventer signifie également comprendre ses limites et chercher à les dépasser. La pandémie a révélé la fragilité d’un système de transmission de la culture quasi entièrement basé sur l’expérience directe, sur la présence physique du public. Voilà pourquoi l’ICOM a invité tous les musées et les professionnels du secteur à développer des méthodes alternatives de création, partage et transmission de la culture. L’appel semble confirmer la nécessité d’un retour à une symbiose harmonieuse entre art et science (et technologie), en tant que condition essentielle à la démocratisation du savoir.
Par quoi se traduit cette collaboration? L’art et la culture se dirigent de plus en plus vers la digitalisation. La réalité virtuelle, par exemple, permet une fruition plus accessible et universelle du patrimoine artistique, et peut s’avérer une expérience sensorielle aussi intéressante et stimulante que celle à laquelle nous sommes habitués depuis toujours. Inversement, l’art doit continuer de prêter sa voix à la science, devenant un moyen de divulgation scientifique, de sensibilisation aux sujets qui nécessitent d’une attention collective et constante, ainsi que d’une vulgarisation efficace.
Se rétablir et se réinventer signifie, enfin, convertir la crise en élan, pour aller à la rencontre d’une nouvelle Renaissance, où l’intuition et le génie, peu importe la façon dont ils sont exprimés, remplissent ensemble une seule, fondamentale mission: le progrès.
Bonne Journée Internationale des Musées de la part de Einova!
